L'année 2024 a été difficile pour le kayakiste Vincent Jourdenais. Il ne s'est pas qualifié dans l'équipe olympique canadienne et, en fin d'année, il a été exclu du groupe d'entraînement de l'équipe nationale, avec le brevet de Sport Canada qui s'y rattache.
Avec une participation aux Jeux olympiques de Tokyo et deux Championnats du monde seniors (2019 et 2023) à son palmarès, l'athlète de 28 ans aurait pu quitter son sport la tête haute. Un appel téléphonique l'a toutefois ramené à l'entraînement et depuis, il est de retour sur la scène internationale, dont celle des Championnats du monde qui s'amorcent mercredi, à Milan. Qui plus est, il représentera le Canada dans un bateau individuel. Une première dans sa carrière.
En plus de Jourdenais, les autres Québécois membres de l'équipe canadienne en Italie seront les canoéistes Sophia Jensen et Alix Plomteux, les kayakistes Mathieu Gilbert et Nathan Koné, ainsi que le vétéran Mathieu St-Pierre en paracanoë.
Un second souffle grâce à l'équipe du Québec
Vincent Jourdenais avait déjà coché une case importante pour tout athlète de haut niveau : participer aux Jeux olympiques. En 2021, à Tokyo, il s'était classé 14e au K2 1000 m en compagnie de Brian Malfesi. L'an dernier, le Québécois n'était pas du K4 qui a obtenu sa place pour Paris. Le parcours qu'il allait prendre dans les mois suivants était tout sauf clair, à l'exception qu'il venait de terminer son baccalauréat en physique à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Avec son diplôme en poche, il n'était pas encore sur le marché du travail, car il prévoyait déménager chez sa copine qui demeure en Colombie-Britannique.
« Tant qu'à être entre deux chaises, je me suis dit que j'allais faire quelque chose que j'aime, c'est-à-dire ramer et m'entraîner, explique-t-il. Ç'a été dur de manquer la qualification olympique l'année passée et c'était plate de finir sur une amertume. Mathieu Pelletier, le coach de Trois-Rivières, et Franck Gomez, celui de l'équipe du Québec, m'ont approché pour participer à un camp d'entraînement de l'équipe du Québec en Floride. Au pire, j'y vais, je m'amuse et je redonne à la communauté qui m'a beaucoup aidé et au mieux, et c'est ce qui est arrivé, je suis revenu et j'ai gagné! »
Le kayakiste confirme que ce retour au haut niveau s'est fait dans un état d'esprit sain plutôt que revanchard des mois précédents où les étoiles étaient loin d'être alignées pour lui.
« Quand je suis arrivé aux essais nationaux, je n'avais rien à perdre. Et il n'y a rien de plus dangereux sur une ligne de départ que quelqu'un qui n'a rien à perdre. »
Ses excellentes prestations en K1 1000 m et K2 500 m, en compagnie de l'Ontarien Nick Matveev, lui ont assuré de participer aux Coupes du monde du printemps. Le duo a même atteint la finale à l'étape de Poznan, en Pologne.
Les deux vétérans et la fédération nationale avaient une vision différente en préparation des mondiaux et ils seront finalement dans des bateaux individuels à Milan : le K1 200 m et K1 500 m pour Matveev et le K1 1000 m pour Jourdenais, qui n'a pas voulu élaborer davantage à propos de ce désaccord qui est maintenant derrière lui.
« C'est quand même un rêve de p'tit gars de représenter le Canada tout seul (dans un bateau). Ma passion a toujours été le double (K2), mais de courir le K1, c'est impressionnant », ajoute celui qui sera sur la ligne de départ des qualifications de son épreuve mercredi.
Les places du K2 500 m ont été attribuées aux recrues québécoises Mathieu Gilbert et Nathan Koné, fraîchement arrivés des mondiaux des moins de 23 ans, elles aussi issues du Club de canoë-kayak de vitesse de Trois-Rivières.
Fierté trifluvienne
Écrire que Vincent Jourdenais est fier de voir que trois des cinq kayakistes masculins de l'équipe canadienne présente à Milan ont été formés sur la rivière Saint-Maurice n'est probablement pas assez fort pour décrire les sentiments qui l'habitent.
Mathieu Gilbert lui a acheté son ancien kayak et le père de Nathan Koné lui a enseigné la chimie au Cégep. L'émotion est palpable lorsque l'Olympien commente l'arrivée de ses deux jeunes coéquipiers dans les grandes ligues.
« Je les connais depuis qu'ils sont p'tits culs et j'ai hâte de les voir courser ! Pour de vrai, c'est cool! [...] C'est une grande fierté... ouf... Ça m'émeut! »
Il essuie une larme et reprend avec un trémolo dans la voix.
« Tu les vois travailler tous les jours depuis qu'ils ont 15 ans. Ça change la perspective quand tu vois les jeunes travailler. Je suis très fier d'eux autres et s'ils voient ça (l'entrevue faite en visioconférence), ils vont savoir que c'est vrai! »
Qu'est-ce qui l'attend après les mondiaux ? Un nouveau chapitre en Colombie-Britannique, où il s'entraînera au club Ridge de Maple Ridge, celui de son ancien partenaire olympique, tout en demeurant affilié au club de Trois-Rivières. Il entamera aussi ses études à la maîtrise en physique à l'Université Simon-Fraser, à Burnaby. Ses résultats sportifs obtenus cette année laissent aussi présager sa réintégration dans l'équipe nationale et l'obtention de son brevet d'athlète.
Deux autres certitudes demeurent pour la suite : le désir d'y aller une année à la fois et de continuer à redonner aux plus jeunes.
« Une fois que tu fais du canoë-kayak, le monde reste dans le sport longtemps et ils redonnent à la communauté. Les gens m'ont redonné, je veux redonner aux plus jeunes et je vois que ça porte leurs fruits. Je m'entraînais avec Mathieu quand il avait 18 ans et là, je m'en vais aux Championnats du monde avec lui. Je capote! »