MONTRÉAL – L'exode vers la NCAA frappe durement, plus de 100 hockeyeurs canadiens quitteront aux États-Unis cette année. La LHJMQ est la plus touchée, mais le hockey universitaire canadien s'avère la victime collatérale. Le gouvernement est interpellé pour sauver la mise.
On a passé la rondelle, ou le micro, à trois experts pour expliquer les problématiques, mais aussi exposer des solutions.
« Pour l'instant, c'est le rêve américain. C'est tout beau et tout nouveau, mais certains vivront peut-être des histoires un peu moins belles. On ne souhaite pas de malheur à personne, mais on est convaincus qu'il va y avoir une vague de retour », a lancé Marc-Étienne Hubert, entraîneur des Patriotes de l'UQTR.
Ça faisait deux ans que le bruit courait que la NCAA assouplirait ses règles.
« C'est très dur. Il faut se réinventer complètement. Il faut se botter les fesses pour voir comment rester compétitif. La vague est beaucoup plus grosse que j'anticipais », a admis Hubert même s'il n'avait pas sous-estimé ce danger.
Pourtant, depuis une dizaine d'années, le hockey universitaire canadien connaissait un superbe développement et on entendait parler d'expansion. Et puis, le tremblement de terre.
« Malheureusement, ce changement est arrivé. C'est sûr que les joueurs du ‘top' vont aller dans la NCAA. Est-ce que ça va durer deux, trois, quatre ans? C'est à voir. C'est le côté indécis dans tout ça. Mais on est encore capable de recruter », a réagi Marc-André Élément qui dirige les Stingers de Concordia, les champions en titre de la Queen's Cup.
Uniquement au hockey universitaire canadien, de 30 à 40 joueurs vont se tourner vers la NCAA pour la prochaine saison. Chez les Redbirds de l'Université McGill, on dénote Maxime Pellerin et Stéphane Huard. Du côté des Stingers aussi, deux joueurs délaisseront le Québec alors que l'entraîneur de l'UQTR touche du bois pour l'instant.
« C'est un fléau un peu à travers le Canada. Il y a beaucoup de programmes qui ont déjà perdu des vétérans, c'est vraiment très malheureux », a noté Hubert.
Le gouvernement doit agir vite
Dans le milieu sportif, on se tient souvent loin de la politique. Mais, parfois, il faut sauter sur cette patinoire.
« Il est où notre gouvernement dans tout ça? Ils sont où les gens pour aider nos universités. Le gouvernement parle du hockey comme notre sport national... C'est sûr que ça revient aux investissements. Ça prend de l'argent pour démarrer d'autres programmes universitaires. Je suis convaincu que le Québec peut redevenir une pépinière de joueurs de hockey si le gouvernement investit dans les infrastructures et les institutions. On veut jouer au Québec et garder nos joueurs au Québec. Il faut leur donner des bourses d'études. On doit voir des gestes concrets », a déclaré Élément.
« Et il faut que ça se fasse vite », a-t-il ajouté.
Hubert peine à comprendre l'inertie politique. Surtout dans le contexte où la tangente vise à prôner le local.
« C'est très décevant, il y a un exode de nos cerveaux, de nos étudiants-athlètes, ils font partie de l'élite de demain. Souvent, la recherche démontre qu'ils ne reviennent pas. Je ne veux pas faire de politique, mais je pense qu'il y a un enjeu société qui va au-delà du hockey universitaire, ça existe aussi dans d'autres sports. [...] Il ne faut pas regarder passer la parade sinon on va perdre nos athlètes », a déploré Hubert.
« Ça prendrait un support financier pour arriver à des bourses du même niveau que dans la NCAA », a suggéré David Urquhart, l'entraîneur des Redbirds.
Un Far West qui néglige le côté humain
Les bourses imposantes, la possibilité d'être rémunéré, les infrastructures épatantes, l'attrait auprès des équipes de la LNH. Voilà plusieurs raisons pour inciter les joueurs à s'aventurer dans la NCAA.
Cependant, il est déjà possible de percevoir des contrecoups négatifs qui pourraient faire déchanter plusieurs athlètes.
« À un moment donné, il faut que tu gardes ces joueurs heureux. Le gars qui est sur le cinquième trio (comme réserviste) et qui ne voit pas beaucoup d'action, il a un peu de fierté. Il est là pour les études mais aussi pour son sport. Ça se peut qu'il y ait beaucoup de malheureux », a proposé Hubert.
Les trois entraîneurs sondés ont déjà consulté les formations de plusieurs équipes de la NCAA et elles sont nombreuses à déborder.
« C'est la saveur du mois, mais des jeunes vont réaliser des choses assez vite après avoir été tassés. Le côté humain va en prendre un méchant coup », a prédit Élément.
Avec ce mouvement prononcé de joueurs, le portail de transfert d'athlètes est submergé (environ 300 joueurs) plus que jamais. Des joueurs finiront par se promener d'une université à l'autre dans la NCAA.
« Il n'y a pas une grande loyauté de la part de ces programmes. C'est une énorme différence entre le sport universitaire canadien et la NCAA. Ça ne correspond pas à l'esprit du hockey universitaire. Les joueurs doivent être dans un environnement propice pour grandir, se développer et obtenir un diplôme », a déploré Urquhart avec pertinence.
« Je trouve ça tellement ridicule. Au Québec, on investit de l'argent et du temps dans le développement du joueur. Maintenant, c'est rendu juste business ... Les équipes de la NCAA veulent gagner et gagner. Elles vont pousser des joueurs vers le bas », a constaté Élément.
S'il était difficile de prédire l'impact concret des nouvelles règles, les équipes québécoises exigent des ajustements. Comment peut-on laisser les clubs de la NCAA approcher des joueurs de la LHJMQ à 18 ans alors que les équipes universitaires canadiennes ont toujours dû patienter jusqu'à 20 ans ?
« Ça ressemble au Far West, elles peuvent faire ce qu'elles veulent », a ciblé Urquhart.
Le réalisme doit toutefois prôner quand on gère une équipe.
« Est-ce que je suis choqué de voir des joueurs partir? Quand je regarde leurs installations, les choses à leur disposition et leurs infrastructures, peut-être que je ferais la même chose », a reconnu Élément en voulant prouver le retard au Québec.
Un peu de positif dans tout ça?
Le positif, il est rare. Mais n'attendons plus après ce portrait peu reluisant.
« Deux de mes joueurs ont été approchés par des équipes de la NCAA et ils ont dit non. Ils voulaient finir leur diplôme ici et travailler au Québec par la suite », a indiqué Élément.
Comme il le faisait remarquer, certains emplois ont des exigences académiques spécifiques et ça peut compliquer la situation d'avoir étudié dans une université américaine.
Autant chez les Redbirds, les Patriotes que les Stingers, les entraîneurs conservent une approche positive et ils ne ferment pas la porte à un retour de quelques joueurs.
Ajoutons qu'un souhait souvent entendu serait de recréer une division québécoise. McGill, Concordia et Trois-Rivières doivent évoluer dans la section ontarienne et les équipes québécoises sont pénalisées par des frais et des règlements. Ce n'est pas l'harmonie et les dirigeants ontariens ont déjà tenté d'exclure les clubs du Québec.
Une expansion à l'Université du Québec à Chicoutimi favoriserait cette possibilité. Est-ce que l'Université Laval pourrait emboîter le pas? Plusieurs se demandent pourquoi les Carabins ne possèdent pas une équipe masculine. Et que se passe-t-il avec le projet à l'UQAM?
Le travail ne manquera pas d'ici 2027 alors que Trois-Rivières accueillera la première présentation au Québec du championnat universitaire canadien en 43 ans.