La ville de Montréal l’a échappé

Publié

C’est l’intention qui compte? Pas toujours. Il y a des moments où on l’échappe tout simplement. C’est ce qui est arrivé à la ville de Montréal cette semaine. Motivée par de nobles ambitions, la campagne de la charte montréalaise visant l’inclusion et le « vivre ensemble » s’est attirée de virulentes critiques. Particulièrement dans la communauté soccer.

Dans un effort de sensibilisation et d’intégration, le gouvernement de la métropole a mis en ligne trois vidéos intitulées « Âge », « Accueil » et « Religion ». Comme dans un mauvais sandwich, ce qui se trouve au milieu peut ruiner le reste.

Les messages véhiculés par un ado qui tend la main à une personne âgée ou un rocker qui troque sa guitare électrique pour une cithare aux côtés d’un Hindou en pleine prière sont honorables. On ne peut en dire autant de celle d’un jeune au casting d’« étranger » qui voit son ballon de soccer frappé au loin par des jeunes d’« ici » au profit d’un sacro-saint bâton de hockey. En tant que Montréalais et passionné de soccer, cette vidéo était pour moi inadmissible.

J’en parle au passé puisque la vague de critiques sur le médias sociaux a poussé le maire Coderre a en exiger le retrait dans la soirée de jeudi. Une décision que je tiens à saluer. Faute avouée à moitié pardonnée.

Sous-entendus

Dans une publicité de 15 secondes, les messages implicites sont nombreux et les images percutantes. Par son casting, « Accueil » sous-entend que le soccer est le sport de l’« autre ». La vidéo laisse aussi croire qu’il est un sport de second ordre dont on devrait presque avoir honte. Est-ce vraiment nécessaire de rappeler que c’est le sport le plus pratiqué depuis près de 20 ans maintenant?

En la visionnant, j’ai eu l’impression de voir une campagne anti-tabac : « Jette ça mon p’tit, c’est pas cool. Fais plutôt comme nous! ».

Je suis né à Vanier dans la ville de Québec, je suis fils d’immigrant et, par passion, j’ai choisi la voie du soccer. J’ai même le privilège de gagner ma vie grâce à ce dernier. Vous comprendrez que quelques petites secondes ont suffi pour m’irriter au plus haut point. « Accueil » présente un jugement de valeur qui n’a pas lieu d’être. Je me demande encore quel message la ville désirait envoyer. On t’accueille ou on t’assimile?

Au fait, c’est un bâton en graphite ou en titane qu’on aurait dû donner à Didier Drogba à son arrivée à l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau?

Mauvais reflet de la réalité

Comme bien des gens de sa génération, le maire Coderre est avant tout un amoureux de hockey. Une réalité tout à fait compréhensible à mon sens. Il rêve aussi au retour des Expos. Si celui-ci est compatible avec la survie et l’essor des équipes sportives qui représentent déjà sa ville, je lui souhaite.

Denis Coderre

Entre-temps, le ballon rond offre de belles opportunités pour mousser l’image de la ville et peut-être même la sienne au passage. Si quelque chose est « in », les chances sont bonnes de voir M. Coderre dans les parages. Sa visite au Stade Saputo cet automne pour sonner la cloche en est un exemple. Une victoire de 2-1 face à Toronto en prime, question de pouvoir narguer son homologue John Tory lors de leur prochaine rencontre.

L’Impact l’a aussi bien servi le lors de son séjour en Argentine cet été. Quelle aurait été la réaction du maire de Buenos Aires en recevant un chandail de Carey Price? Heureusement, Denis avait un maillot de Nacho Piatti dans ses valises. Muchas gracias!

Bien qu’il soit avant tout un homme de hockey et de baseball, le maire semble reconnaître la portée du soccer et ce que ce sport peut faire pour la ville. Malheureusement, « Accueil» présentait une réalité bien différente.

Virage

Plus que jamais, le soccer a fait rayonner la Métropole cette année. Le parcours de l’Impact en Ligue des Champions, l’arrivée d’une superstar mondiale en Drogba et la Coupe du Monde des femmes ont été des événements marquants.

Bien que l’intention était tout autre, « Accueil » a manqué de reconnaissance et de perspective dans sa présentation d’un sport qui a fait vibrer Montréal et rempli son Stade Olympique. Je souhaite que son retrait marque le début d’un virage au niveau des perceptions.

En plus d’être l’année où l’Impact a atteint une finale continentale et où les femmes de l’équipe nationale ont battu des records de cotes d’écoute à la télévision, on se souviendra peut-être de 2015 comme l’année où on a cessé de voir le soccer comme le sport des « autres ». Je promets que ça ne fera pas plus mal.

Si le fiasco de la charte montréalaise a contribué à éveiller les esprits en ce sens, l’échec n’aura pas été total.

Sur ce, je vous souhaite de joyeuses fêtes!