Le rideau est tombé il y a quelque temps déjà sur la plus récente édition montréalaise de l'Omnium Banque Nationale. Après les salles combles et les acclamations, des gradins déserts et un grand silence enveloppent désormais le court central du stade IGA. Pourtant, une sensation d'émerveillement mêlée à un peu d'incrédulité continue de se dégager du site où une Canadienne de 18 ans a ébahi les plus importants responsables du tennis au pays entre le 27 juillet et le 7 août.
« Ses performances ont été quand même extraordinaires », analyse Nathalie Tauziat, en revenant sur le spectaculaire et inattendu triomphe de Victoria Mboko à l'Omnium Banque Nationale il y a maintenant 15 jours.
Appuyée par Noëlle van Lottum, entraîneuse nationale en chef du volet féminin chez Tennis Canada, Tauziat, une ancienne grande joueuse française, finaliste à Wimbledon en 1998 et numéro trois mondiale en 2000, s'est vu confier en novembre 2024 le mandat de diriger les destinées de Mboko.
En acceptant cette responsabilité, Tauziat avait une bonne idée du type de joueuse qu'elle avait sous la main car elle avait côtoyé Mboko au Centre national d'entraînement de Tennis Canada, à Montréal, lorsque celle-ci était âgée de 13 ou 14 ans.
Il reste que l'exploit de Mboko – celui de gagner un tournoi WTA 1000 aussi rapidement – a surpassé les attentes qu'un peu tout le monde chez Tennis Canada pouvait avoir à l'endroit de la Torontoise.
« Il faut avouer qu'on connaissait son potentiel. Nous n'étions pas dupes par rapport à ça. Et puis, depuis le début de l'année, elle avait fait des bonnes choses, même si on avait fixé des objectifs assez importants. 'Vicky' a explosé les objectifs, on va dire. C'est clair. Ses performances à Montréal, c'est un peu le résultat de tout ce qu'on a mis en place depuis le mois de novembre», souligne Tauziat, qui travaille auprès de Tennis Canada sur une base contractuelle depuis 2011.
« Mais on ne s'était pas vraiment fixé d'objectif de gagner un tournoi WTA 1000, nuance-t-elle aussitôt. On voulait que chez elle (au Canada), elle fasse un bon résultat. »
Le résultat a été si exceptionnel que Mboko est passée du 85e rang au classement de la WTA, le 27 juillet, au 24e échelon le lendemain de sa victoire contre la Japonaise Naomi Osaka en grande finale.
La fulgurante progression de Mboko amène les questions suivantes, à quelques jours de sa première sortie aux Internationaux des États-Unis où elle affrontera, à titre de 22e tête de série, la Tchèque Barbora Krejcikova en première ronde.
D'abord, qu'est-ce qui attend Mboko, maintenant? Ensuite, qu'advient-il des objectifs que van Lottum et Tauziat avaient fixés à leur jeune «pépite», un terme que Tauziat avait utilisé pour parler de Mboko pendant le tournoi à Montréal.
« Bien sûr que ça change, lance Tauziat. Là, elle est 24e mondiale. Si on veut fixer d'autres objectifs, c'est le top-10. Aujourd'hui, on sait pertinemment qu'elle a le potentiel pour entrer dans le top-10. »
Reste à savoir à quel moment un tel objectif pourrait être atteint.
« On espère à la fin de l'année, mais je n'ose même pas dire quand, parce qu'elle nous a tellement surpris jusqu'à maintenant. Si ça se doit, aux Internationaux des États-Unis, elle va faire quelque chose de grandiose aussi. Je fixe des objectifs, mais vous ne savez jamais exactement quand ça va arriver. Je n'ai pas une boule magique devant moi. »
En attendant de voir à quel point Mboko va poursuivre sa progression, on continue, chez Tennis Canada, à revivre et savourer les moments les plus enivrants de ces 12 jours qui vont rester gravés dans les annales du tournoi montréalais et du tennis canadien.
C'est le cas de Guillaume Marx, qui dit avoir vécu une semaine exceptionnelle.
« On était un peu transporté par l'ambiance. Le monde qu'il y avait, les encouragements et le niveau de Victoria, qui, finalement, gagne le tournoi en revenant trois fois d'un déficit d'un set à zéro. J'ai trouvé que c'était une performance tennistique et mentale exceptionnelle. Un grand moment de sport comme on dit. En fait, un moment d'une rare intensité. »
Le moment-phare du tournoi, celui qui a véritablement ouvert les yeux de Marx – et probablement de beaucoup d'autres observateurs – est survenu lors des huitièmes de finale. Ce soir-là, Mboko a dominé l'Américaine Coco Gauff, première tête de série et deuxième au classement mondial, 6-1, 6-4 en 62 petites minutes.
« Je pense qu'il faut être honnête; avant le tournoi, personne ne pensait que ça pouvait aller aussi vite. (…) Mais là, après le match contre Gauff, je me suis vraiment dit que non seulement elle peut gagner le tournoi, mais même si elle ne le gagne pas, ça va aller plus vite qu'on le pensait et elle va entrer dans le top-20, peut-être même plus, pas mal plus vite que l'on pensait, en fait. »
Marx croit que Mboko a les capacités pour atteindre le top-10 à plus ou moins brève échéance. Toutefois, il prône une approche axée sur la patience.
« Je pense que le plus important, c'est que (Victoria) reste concentrée sur le tennis, dans un état d'esprit compétitif. C'est vraiment ça qui est important et elle va continuer, à ce moment-là, à gagner des matchs. Je ne pense pas qu'il faut être obnubilé par le fait d'être top-10. Il faut qu'elle demeure concentrée sur le fait de continuer à progresser, et le top-10, le classement, ça viendra tout seul. »